File:Dresden ; Leibzigk - btv1b53179006f (2 of 2).jpg

DRESDEN. MIfnie contree anexée à la haute Saxe eft fituee entre ces deux rivieres Sala & Elbe, & a pris fon nom du lac Mefia, aupres duquel, peut eftre les habitans d'icelle ont autre fois habité, ou bien de la ville dicte Mifne, à laquelle opinion Georges Rithaimer en fa defcription du monde s'accorde plus volontiers. Cefte region a entre autres villes celle de Drefden qui eft fort plaifante de regard & d'affiette, laquelle auffi eft tref bien munie & clofe de fortes murailles, environnée de foffez & bouleverts, & au furplus, elle ne porte envie à aucune des principales villes de Mifnie quant à la beauté & genti- leffe d'edifices tant publiques comme particuliers. Ioignant icelle paffe le Elbe riviere de Saxe trefre- nommee, & qui eft comparable au Rhin, fur laquelle eft un pont de longueur efmerveillable, & bafti de pierres dures, qui joint les deux rives d'icelle à l'endroict de la ville, ayant à la part de deça l'ancienne Drefden,qui eft fort peuplee & habitee. Quant à la falubrité & commodité du lieu & de l'air,elle fe mon- ftre affez par la fertilité du territoire, & par une clemence du ciel tant douce & benigne, que les trefillu- ftres Ducs de Saxe Princes Electeurs fe font principalement voulu retirer en cefte ville, en laiffant plu- fieurs autres de leur dition, tresfloriffantes & apparentes, ont voulu faire en icelle leur refidence perpe- tuelle. A l'occafion de quoy Drefden eft ornee d'un chafteau tresbeau & magnifique au jugement de ceux qui l'ont veu, lequel eft faict & bafti de quartiers de pierre dure taillee à l'efquierre, non fans grands frais & defpenfe,bien fourni & equippé de toutes armes & munitions, propres à la defenfe du lieu. Auffi eft en ce licu l'arcenal ou armurerie du trefilluftre Duc de Saxe,tres bien garnie de toutes fortes d'armes & artillerie, machines, boulets, & poudre à canon. D'avantage en ce lieu font affemblent & trefdiligem- ment gardez corfellets, cuiraffes & harnoys en grand nombre, enfemble autres preparatifs & provifions & armes neceffaires à la guerre, affez pour armer & equipper fuffifamment & incontinent toute une ar- mee contre quelqne mutinerie ou emotion fubite. Et fi en ce lieu je vouloye dechifrer & mettre en con- te les colevrines, ferpentines, fauconneaux, mortiers, canons doubles & autres pieces d'artillerie de grandeur & pois admirable & comme elles font proprement & nettement entretenues, je craindroye que je ne fuffe eftimé oultrepaffer les limites de verité, par ceux qui onques ne virent un fi grand & fi magnifique appareil de guerre. Ce temps pendant, je puis affeurement dire & affermer, quil ne fe trou- vera en toute l'Almaigne encores une armurerie fi belle & bien equippee, que celle de Drefden ne la fur- paffe. Le territoire prochain de cefte ville oultre la grande fertilité & abondance de tous fruits eft or- né & embelli de toutes parts de jardins trefplaifans, peuplez d'arbres francs & bonnes herbes de toutes fortes. Les hayes defquels entrelaffees & faictes à rets & claires voyes permettent à ceux qui en apro- chent un libre & franc regard des grands & amples carreaux qui y font enfemencez d'une infinie diver- fité de femances, avec un fingulier plaifir des fpectateurs.

LEIPSICH. La ville de Leipfich, comme Munfter afferme, eft au pays d'Oftelande, ou felon l'opi- nion des autres en la contree de Mifnie. car ce dernier, terme s'eftend plus au larg que le premier, & eft l'une & l'autre terre fous une mefme domeine, elle n'eft pas ville fort grande, mais elle eft bien telle qu'avec fa petiffe elle furpaffe les bien grandes villes d'A- lemaigne, mefme celles des Princes du pays. Il y a en ce lieu grande quantité de mar- chands, qui y refident ordinairement & y traficquent de plufieurs & diverfes fortes de marchandifes, auffi y tient on foire chafcun an troys foys, comme quelqu'un a efcrit en cefte maniere: Lipfigeft chafcun an troys foys enrichie de marchandife. Elle eft confequemment ornee de mai- fons magnifiques lefquelles font en general toutes maçonnees & bafties de pierres, les paroys au dedans garnis d'entablemens, & font au dehors ornees de pientures magnifiques, & fi les faict bon voir pour le gentil ordre, la grande conformité & efgalité de ftructure qu'elles ont enfemble. Cefte ville a un Magi- ftrat,qui n'eft point efleu de la tourbe idiote & ignorante des artifans,mais de perfonnages de lettres & de fçavoir, de l'auctorité & jugement defquels depend le droict & Iuftice des Mifniens, Duringiens,& de ceux du bas pays de Saxe. Car ces peuples cy leur envoyent toutes leur caufes plus douteufes & difficiles pour eftre par eux vuidees & expediees. L'an de noftre Seigneur Iefus Chrift M. D. XLVII.cefte ville fut fort grevee & endomagee, le fixiefme jour de Ianuier, quand le Duc Iean de Saxe Prince Electeur com- mença à la combattre & affallir. Pourtant que leurs fauxbourgs furent àlors bruflez, leurs murailles abbattues à coups de canon, leurs tours hurtees & esbranlees, les couvertures des maifons abbatues & defchirees, le chafteau de la ville tout difformé, & de fiege en une faifon difpiteufement froide continue jufques à vingt jours, & adonc l'ennemy fut contraint fe retirer fans autre chofe faire. Ainfi Leipfich, eft maintenant en bruit & renom; laquelle l'an M. CCCCVIII. prit fon commencement de l'Univerfité de Prague. Car comme les Alemans rejettaffent la nouvelle doctrine des Huffites qui prenoit pied & com- mençoit à fe femer à prage en Boheme, un jour plus de mille difciples fuivans leurs maiftres, drefferent une Univerfité à Leipfich, du commencement & progres de laquelle traicte plus au long Æneas Silvius, qui depuis a efté appellé Pie fecond du nom au chap.35. de l'hiftoire de Boheme. Erafme en une Epiftre qu'il efcrit à George Duc de Saxe, dict que par fon auctorité, conduite, adreffe & liberalité elle eftoit floriffante en eftudes ordinaires & folennels, & bonnes lettres & langues principales. Pierre de la Mofelle l'a auffi grandement honoree faifant profeffion de lettres Grecques en icelle. Æneas Silvius efcrit, que, comme un certain noble chevalier nomme Leonard,fut venu vifiter un fien coufin qui eftoit à Leipfich,eftudiant és bonnes lettres, & demandaft comme il fe portoit & quel profit il faifoit à l'eftude, un de fes compagnons lui re- Ipodit: Voftre ami fe porte trefbien,car entre mile & cinq cens bons biberons il a emporté la victoire & la gloire de bien boire.