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Aires Libres, rue Sainte-Catherine, Montréal

En soumettant des photographies, peintures et dessins à l’impression sérigraphique, Jason Cantoro développe depuis plus d’une décennie des recherches intermédiales qui confrontent différents registres de représentation, de médiums, de sphères de production et de réception artistique. Ses œuvres ont cette particularité de générer une réflexion sur les tensions entre le monde de l’art, le design graphique et les enjeux marchands auxquels les artistes sont le plus souvent confrontés.

La prédominance de la sérigraphie dans la production Cantoro tient en grande partie aux limitations mêmes du médium, qui l’obligent à faire des choix rapides et concis, sans lesquels la clarté de l’image est mise en péril. C’est dans cette optique que l’artiste expérimente constamment de nouvelles techniques d’impression, afin d’augmenter la lisibilité formelle et conceptuelle des œuvres. Ses banques d’images trouvées dans des almanachs, des encyclopédies, des revues ou des collections cartographiques, auxquelles s’ajoutent ses propres photographies, constituent la matière première qu’il travestira ensuite à travers différents procédés. Le point d’intérêt demeure cependant la connaissance véhiculée par le contenu, et non son appartenance à une sphère artistique ou intellectuelle. D’ailleurs, le fait que les représentations anciennes, documentaires ou autres, fascinent tant, toutes générations confondues, est un enjeu plus présent dans son travail récent.

Dans la dernière année, après avoir exploré séparément la figuration et l’abstraction, Jason Cantoro s’est engagé davantage dans des créations hybrides, notamment par l’intervention de trames géométriques, dessinées à la main ou à l’ordinateur, sur des images d’archive ou encore sur ses propres photographies. Toutefois, dans le cadre d’Aires Libres, l’artiste a décidé de pousser son expérimentation formelle un cran plus loin, en passant de la création graphique à la sculpture.

Suivant une volonté de sortir de la planéité et de retourner à l’objet afin de susciter une expérience différente de son travail, l’artiste, qui a très récemment entamé des recherches sur le pliage de papier et les procédés origamiques, propose une sculpture prismatique, dont chacun des trois pans latéraux présente une surface lenticulaire, dont les reliefs permettent de voir deux images, suivant un léger déplacements du spectateur. Les six images qui composent cette structure triangulaire interrogent les fondements de l’empathie, en tant que rapport humain premier. La tactilité, le regard et la collectivité sont mis en relief dans des représentations qui se donnent dans un effet de présence complexe, puisqu’il est impossible de saisir une image et son complément lenticulaire en même temps. C’est ainsi que l’artiste pointe l’utopie empathique, et interroge les limites de notre capacité à croire que l’on saisi l’expérience de celui qu’on observe.

Aseman Sabet Commissaire